Un disque géant bouleverse notre vision de la naissance des planètes

Dec 31, 2025

Un spectacle cosmique hors norme est en train de se jouer à environ 1 000 années-lumière de la Terre, dans notre galaxie. Autour d’une jeune étoile, un immense disque de gaz et de poussières tourbillonne, donnant naissance à de futures planètes. Si ce scénario est bien connu des astronomes, l’objet observé ici sort totalement de l’ordinaire. Il s’agit tout simplement du plus grand disque de formation planétaire jamais découvert et son comportement intrigue profondément les scientifiques. Il s’étend sur près de 640 milliards de kilomètres, soit environ 40 fois la largeur de notre système solaire. Découvert une première fois en 2016, il vient d’être observé sous un nouveau jour grâce au télescope spatial Hubble, qui a réussi à le photographier pour la toute première fois en lumière visible. Jusqu’ici, ce type de structure était surtout étudié dans l’infrarouge ou les ondes radio.

image.pngCes nouvelles images ont révélé un environnement étonnamment chaotique. Au lieu d’un disque bien net et symétrique, les astronomes ont observé de longues volutes de matière s’étendant très loin au-dessus et en dessous du plan principal. Plus étrange encore, ces filaments ne sont présents que d’un seul côté du disque, comme si l’ensemble était déséquilibré. Les résultats de cette étude ont été publiés le 23 décembre dans la revue scientifique The Astrophysical Journal. Les chercheurs en ont profité pour donner un surnom aussi insolite que parlant à cet objet céleste, « Dracula’s Chivito ». Ce nom est un clin d’œil aux origines de deux membres de l’équipe, la Transylvanie, terre natale du célèbre Dracula, et l’Uruguay, connu pour le chivito, un sandwich emblématique. Vu par la tranche, le disque ressemble en effet à un sandwich cosmique, avec une bande sombre centrale encadrée par deux couches plus claires de gaz et de poussières.

Pour les astronomes, ce niveau de détail est exceptionnel. Longtemps, on a pensé que les disques protoplanétaires étaient des environnements calmes et bien organisés, où les planètes se formaient lentement sur des millions d’années. Or, les observations récentes montrent une réalité bien plus complexe. Dracula’s Chivito illustre parfaitement cette nouvelle vision. La naissance des planètes peut être agitée, asymétrique et influencée par des phénomènes encore mal compris. Le fait que les filaments n’apparaissent que d’un seul côté suggère des processus dynamiques intenses. Il pourrait s’agir de gaz et de poussières tombant vers le disque depuis l’espace environnant, ou d’interactions avec d’autres structures proches. Ces mécanismes restent à élucider, mais Hubble offre désormais une place au premier rang pour les observer.

Le disque cache l’étoile (ou les étoiles) en son centre. Les chercheurs pensent qu’il pourrait s’agir soit d’une étoile très massive et chaude, soit d’un système binaire. La masse totale du disque est impressionnante, entre 10 et 30 fois celle de Jupiter. Autrement dit, il contient suffisamment de matière pour former plusieurs géantes gazeuses. À ce titre, Dracula’s Chivito est souvent comparé à une version agrandie de notre propre système solaire tel qu’il était il y a 4,6 milliards d’années. Même si les conditions exactes diffèrent, les mécanismes fondamentaux de formation planétaire pourraient être similaires. Il devient ainsi un véritable laboratoire naturel pour comprendre comment naissent les planètes dans des environnements variés. Les astronomes comptent poursuivre son étude grâce à Hubble, mais aussi avec James Webb, capable d’observer encore plus finement la poussière et les gaz. Pour l’instant, Dracula’s Chivito pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses, mais il ouvre une nouvelle fenêtre fascinante sur les origines des mondes.

Source: https://iopscience.iop.org/article/10.3847/1538-4357/ae247f