À l’approche de cette fin d’année 2025, le constat est sans appel, l’attitude favorable de Donald Trump envers les cryptomonnaies n’a pas suffi à maintenir l’élan d’un secteur qui, quelques mois plus tôt, semblait porté par un optimisme sans limites. En l’espace de quelques semaines, près de 1 000 milliards de dollars de valeur se sont évaporés du marché des actifs numériques, et ce malgré un record historique du bitcoin, qui avait atteint 126 000 dollars le 6 octobre dernier.
Ce pic d’octobre n’aura été qu’un feu de paille. Quelques jours plus tard, l’annonce par le président américain de droits de douane de 100% sur les importations chinoises a provoqué une onde de choc sur l’ensemble des marchés financiers. Le secteur crypto a encaissé de plein fouet cette décision avec 19 milliards de dollars qui ont été liquidés en seulement 24 heures. Un record absolu. L’ethereum, deuxième cryptomonnaie mondiale, a perdu près de 40% de sa valeur en l’espace d’un mois. Même la société crypto fondée par Eric Trump n’a pas été épargnée, enregistrant une chute comparable en décembre.
Pourtant, l’industrie pensait avoir trouvé en Donald Trump le président pro-bitcoin promis durant la campagne. Dès les premiers jours de son second mandat, il a signé un décret présidentiel levant plusieurs restrictions sur les cryptomonnaies, introduisant de nouvelles règles favorables et mettant en place un groupe de travail dédié aux actifs numériques. La crypto devenait un pilier assumé de la politique économique américaine, présentée comme un moteur d’innovation et de leadership international.
En mars, cette orientation s’est encore renforcée avec l’annonce d’une réserve stratégique de cryptomonnaies. L’effet a été immédiat, trois des cinq actifs concernés ont vu leur prix bondir de 62%. Le bitcoin, de son côté, a progressé de 10% en quelques heures, atteignant plus de 94 000 dollars. L’enthousiasme semblait de retour et beaucoup y voyaient le début d’un nouveau cycle haussier durable. Mais la réalité macroéconomique a vite repris le dessus. La cryptomonnaie reste un actif dit « risk-on », extrêmement sensible à la confiance globale des investisseurs. Autrement dit, lorsque l’économie mondiale vacille, elle vacille aussi. Les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, combinées à une politique monétaire restrictive, ont largement neutralisé les effets positifs d’une administration pro-crypto. Cette situation rappelle crûment que les grandes forces macroéconomiques pèsent souvent plus lourd que les positions politiques affichées.
En novembre, le bitcoin a ainsi enregistré sa plus forte chute depuis 2021, tombant sous la barre des 81 000 dollars. Même si un léger rebond a suivi, le mois de décembre a débuté par une nouvelle baisse de 6%, après que Strategy, le plus grand détenteur institutionnel de bitcoin, a revu ses prévisions de bénéfices à la baisse. Aujourd’hui, le cours oscille autour de 90 000 dollars. Un niveau historiquement élevé, certes, mais loin du pic d’octobre. Début décembre, l'American Bitcoin Corp, l’entreprise d’Eric Trump, a vu environ 40% de sa valorisation, soit près d’un milliard de dollars, partir en fumée. Malgré cela, le fils du président s’est voulu rassurant, affichant publiquement sa détermination à conserver ses parts et à mener l’industrie sur le long terme.
Face à ces turbulences, certains analystes redoutent l’arrivée d’un nouveau « crypto winter », une période prolongée de stagnation ou de baisse des prix. Le précédent, entre fin 2021 et 2023, avait vu le bitcoin perdre jusqu’à 70% de sa valeur, dans un contexte marqué par l’effondrement de FTX et la condamnation de Sam Bankman-Fried. La correction actuelle ne traduit pas un simple changement d’humeur, mais la collision de plusieurs facteurs structurels: l’onde de choc des liquidations d’octobre, la montée de l’aversion au risque liée aux tensions commerciales et le possible essoufflement de la stratégie des trésoreries d’entreprise investies en bitcoin. Autre élément souvent sous-estimé, le lien croissant entre la crypto et le secteur de l’intelligence artificielle. La baisse des actions de sociétés comme Nvidia a eu des répercussions indirectes sur le bitcoin, de nombreux mineurs ayant réorienté leurs infrastructures énergétiques vers des centres de données dédiés à l’IA. Lorsque l’enthousiasme autour de cette technologie faiblit, le sentiment négatif se diffuse aussi vers la crypto.
Malgré ces inquiétudes, plusieurs figures majeures du secteur restent confiantes. Lors d’une conférence du New York Times, Larry Fink, patron de BlackRock, et Brian Armstrong, cofondateur de Coinbase, ont défendu la valeur de long terme du bitcoin. Armstrong a affirmé qu’il n’y avait aucune chance que ce dernier tombe à zéro, estimant que 2025 serait retenue comme l’année où la crypto est passée d’un marché gris à un système pleinement institutionnalisé. Fink, de son côté, observe l’arrivée d’investisseurs de long terme, y compris des fonds souverains. Cette phase de repli reste cohérente avec les cycles historiques du bitcoin, souvent étalés sur quatre ans. Techniquement, le marché est peut-être entré en phase baissière, mais le fait qu'il se maintienne largement au-dessus des 80 000 dollars, malgré un contexte mondial défavorable, témoigne d’une maturité nouvelle. En 2025, la crypto n’a peut-être pas tenu toutes ses promesses d’euphorie, mais elle a prouvé qu’elle n’était plus un simple phénomène passager.